GARCILASO DE LA VEGA dit L’INCA

GARCILASO DE LA VEGA dit L’INCA
GARCILASO DE LA VEGA dit L’INCA

GARCILASO DE LA VEGA dit L’INCA (1539-1616)

Fils naturel du conquistador Sebastián Garcilaso de la Vega et de la princesse inca Isabel Chimpu Ocllo, Garcilaso naquit au Cuzco, ancienne capitale de l’Empire inca. Baptisé sous le patronyme de Gómez Suárez de Figueroa, il n’adopta qu’en 1561 le nom de son père, sous lequel il s’illustra dans les lettres. En compagnie de sa mère, il grandit dans la vaste demeure paternelle jusqu’en 1549, date à laquelle son père épousa une jeune noble espagnole, et donna sa mère à un de ses écuyers. Les dix premières années de Garcilaso furent décisives pour sa culture, car il les passa dans la familiarité des nobles incas, parents de sa mère, et il y pratiqua le quechua comme sa langue maternelle. Après la mort de son père, le jeune homme partit en 1560 pour l’Espagne. Il ne devait plus jamais retourner au Pérou. Garcilaso s’installa d’abord à Montilla, chez son oncle don Alonso de Vargas; il y demeura en permanence jusqu’à la mort de celui-ci, en 1570; de courtes interruptions à l’occasion de campagnes militaires n’empêchent pas ces années-là d’être studieuses. Il resta à Montilla jusqu’en 1588, et c’est durant cette période qu’il traduisit les Dialogues d’amour (publiés seulement en 1590) d’un juif portugais connu sous le pseudonyme de Léon l’Hébreu. Garcilaso était d’ailleurs à la fois homonyme et proche parent du plus grand poète lyrique de la Renaissance en Espagne et également du poète cordouan Góngora.

Si les contemporains ont surtout admiré l’histoire de la conquête de la Floride (connue sous le titre de La Florida del Inca , 1605), élaborée par Garcilaso à l’aide du récit d’un ancien lieutenant du conquistador Hernando de Soto, Gonzalo Silvestre, la postérité n’a guère retenu de lui qu’un monumental ouvrage, les Comentarios reales , dont la première partie parut en 1606. Dans cette vaste histoire de l’Empire inca, Garcilaso s’est efforcé de concilier l’héritage culturel paternel et maternel. La seconde partie, publiée en 1617 (donc posthume), sous le titre de Historia general de Perú , qui relate la conquête du Pérou par Pizarre et les guerres civiles ultérieures, ne présente pas un égal intérêt. Ce sont les Commentaires royaux qui, traduits dans les principales langues européennes sous le titre de Histoire des Incas , ont été un «best-seller» de la littérature historique aux XVIIe et XVIIIe siècles. Garcilaso, qui se sentait «inca jusqu’au bout des ongles», n’était pas étranger à une revendication dynastique indienne. S’inspirant sans doute de la vision historique de saint Augustin sur l’Empire romain, il voulut voir dans l’Empire inca un dessein providentiel destiné à favoriser la diffusion rapide du christianisme parmi les Indiens andins. De façon significative, Garcilaso n’appelle pas les Indiens des «Barbares», comme les autres chroniqueurs contemporains, mais des «Gentils». Le culte de Wiracocha, le héros divin, qui avait prophétisé la venue des conquistadores espagnols, n’était-il pas une propédeutique au monothéisme chrétien? Le fameux trésor des Incas, l’or d’Atahualpa, qui avait ébloui les Espagnols, n’avait-il pas été réservé par la Providence pour alimenter les caisses d’un monarque qui combattait les hérétiques luthériens?

Garcilaso propose au lecteur une vision idyllique du Tahuantin Suyu (l’Empire inca). Il laisse entendre que les guerres fratricides entre partisans pizarristes et almagristes, puis contre l’armée royale, furent le châtiment du Ciel, pour prix des crimes de la conquête et de la colonisation. Dans son effort désespéré pour harmoniser le rouge solaire de la religion incaïque et la blancheur de la Vierge Marie apparue au Pérou, Garcilaso apparaît comme un métis éternellement déchiré entre deux cultures. Jusqu’au milieu du XXe siècle, les Comentarios reales ont été considérés comme la source historique la plus authentique de l’histoire incaïque. On sait aujourd’hui que ses défaillances de mémoire et sa partialité nostalgique ôtent à son grand œuvre une bonne part de sa valeur historique. Les Commentaires royaux restent donc comme un monument littéraire, le seul grand ouvrage historique dû à un métis américain, deux fois noble, témoin humaniste du drame que fut l’effondrement de l’Empire inca et la naissance convulsive d’une société coloniale péruvienne, le plus beau fleuron de l’Empire espagnol en Amérique méridionale.

L’Inca Garcilaso finit sa vie à Cordoue en 1616; il avait adopté l’état ecclésiastique et exerçait les fonctions d’administrateur général de l’hospice de l’Immaculée Conception depuis plus de dix années.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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